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Petit Guide Biron — 14 minutes

L'impact des allergies sur votre santé

Qu'est-ce qu'une allergie?

Notre corps combat tout ennemi extérieur (microbe, virus, bactérie, parasite) avec une arme très puissante : le système immunitaire. Quand cette « arme » considère qu’une substance (allergène) qu’on a mangée, bue, respirée ou touchée est un grave ennemi, elle réagit de façon excessive en produisant un type particulier d’anticorps appelé « IgE » (immunoglobuline E) pour la combattre : c’est la réaction allergique.

L’allergie, aussi appelée « hypersensibilité de type 1 », peut se manifester dans différentes régions du corps : la peau, les yeux, le système digestif ou les voies respiratoires. Le type de symptômes et leur intensité, qui dépendent de plusieurs facteurs, sont propres à chaque personne. Les réactions allergiques peuvent être discrètes, comme l’apparition d’une rougeur sur la peau, ou potentiellement mortelles, comme l’anaphylaxie.

Il ne faut toutefois pas confondre allergie et intolérance. Si la réaction n’est pas causée par les IgE, ce n’est pas une allergie. On parle plutôt d’une intolérance, comme dans les cas de l’« intolérance au gluten » ou de l’« intolérance au lactose ». Ainsi, la maladie cœliaque, la forme la plus grave d’intolérance au gluten, est le résultat d’une inflammation de l’intestin causée par des immunoglobulines de type G (IgG) et de type A (IgA), des anticorps différents des IgE. Elle ne présente donc pas les mêmes symptômes qui sont principalement digestifs et, surtout, ne comporte aucun risque de réaction anaphylactique. Pour sa part, l’intolérance au lactose n’est pas causée par des anticorps, mais par un manque de lactase, l’enzyme du petit intestin responsable de la digestion du lactose (sucre présent dans les produits laitiers).

À lire aussi : Intolérance alimentaire ou allergie? Elles sont souvent confondues, mais elles sont très différentes.

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Qu’est-ce qui cause les allergies?

Parmi les allergènes les plus fréquents, on retrouve les suivants :

Allergènes aériens Allergènes alimentaires Autres allergènes
Pollens d’arbres, de graminées et d’herbes à poux Arachide Certains médicaments (p. ex., pénicilline)
Acariens présents dans la poussière Lait de vache Latex
Poils, urine, salive et pellicules d’animaux Œufs Venin d’insectes
Moisissures Noix
Fruits de mer
Poissons
Sésame

Bien qu’elles ne soient pas les plus fréquentes, les allergies alimentaires suscitent beaucoup d’intérêt, car elles prennent de l’ampleur. Environ 4 % des personnes au Québec ont des allergies alimentaires. Selon l’estimation du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 6 % des bébés et 3 % des enfants de 10 ans ou plus présenteraient une allergie alimentaire, contre seulement de 1 % à 2 % des adultes.

La cause la plus fréquente d’allergie chez les tout-petits est le lait. Heureusement, cette allergie disparaît dans 76 % des cas avant l’âge de 5 ans. En fait, la majorité des enfants voient disparaître leurs allergies alimentaires (lait, œufs, soya) avant l’âge de 7 ans, et même celle aux arachides dans 20 % des cas. Soulignons enfin que 10 aliments sont responsables de plus de 90 % des réactions allergiques et doivent obligatoirement figurer dans la liste des ingrédients des produits commercialisés au Canada : lait de vache, œufs, arachides, noix (Grenoble, noisettes, amandes, cajous, pacanes et pistaches), poisson, fruits de mer, sésame, moutarde, soya et blé. Ces deux derniers aliments doivent être déclarés, mais sont plus rarement responsables d’une réaction allergique induite par les IgE.

À lire aussi : L’allergologie moléculaire : une avancée majeure dans le diagnostic et le traitement des allergies

Réactions allergiques : des conséquences minimes à très graves

Les réactions allergiques peuvent se manifester à tout âge, mais elles sont plus fréquentes chez les enfants. La prédisposition génétique au développement des allergies se nomme « atopie ». Un enfant « atopique » peut éprouver des symptômes dès la naissance sous forme de réactions cutanées, comme l’eczéma, de symptômes respiratoires, d’écoulement nasal (rhinite) ou autres. Certains symptômes peuvent diminuer, voire disparaître avec le temps, alors que d’autres vont plutôt s’aggraver au cours des années (asthme, anaphylaxie).

Notons que certaines personnes atopiques n’auront jamais de réactions allergiques. Ainsi, elles peuvent avoir des résultats positifs à des tests cutanés d’allergie même si elles n’ont pas de symptômes. On dit alors qu’elles présentent une « sensibilité » à certains allergènes, et seule une fraction d’entre elles auront un jour une réaction allergique grave. Une étude britannique a d’ailleurs révélé qu’à peine le quart des enfants sensibles aux arachides risquent d’avoir une réaction allergique importante[1].

La réaction allergique se fait généralement en deux phases :

  1. Sensibilisation : La sensibilisation survient lorsque l’allergène entre en contact une première fois avec le corps par la peau ou par les muqueuses (yeux, voies respiratoires ou voies digestives). Parfois, l’exposition à l’allergène se fait par l’intermédiaire des composants du lait maternel ou, plus fréquemment, par contact cutané. Le plus souvent, le système immunitaire devient tolérant, c’est-à-dire qu’il s’habitue à l’allergène et ne réagit plus en sa présence. Il peut sinon réagir en cataloguant l’élément étranger comme dangereux. Il garde alors en « mémoire » la recette pour produire des anticorps au cas où l’allergène se présenterait à nouveau. Cette phase de sensibilisation est asymptomatique, c’est-à-dire qu’elle ne s’accompagne d’aucun symptôme.
  2. Réaction allergique : Elle se manifeste au contact ultérieur de l’allergène, alors que le système immunitaire est prêt à réagir. Les anticorps (IgE) à la surface de certains globules blancs (mastocytes) cherchent à détruire l’allergène en déclenchant un ensemble de réactions défensives. Les mastocytes sont riches en histamine et autres composés chimiques qui, une fois libérés, causent les symptômes de l’allergie. C’est ce qui explique pourquoi on utilise souvent des antihistaminiques pour soulager les symptômes d’allergie mineurs.

L’anaphylaxie est la forme de réaction allergique la plus grave. Elle est subite, généralisée et, si elle n’est pas traitée rapidement, elle peut évoluer en l’espace de quelques minutes vers le choc anaphylactique, une chute soudaine de la tension artérielle qui entraîne une perte de conscience et le décès. Les premiers signes d’une réaction anaphylactique sont les suivants :

  • Peau (système cutané) : Présence d’urticaire, d’enflure, de démangeaisons, de sensation de chaleur, de rougeurs et d’éruption cutanée;
  • Voies respiratoires supérieures : Éternuements, écoulement nasal, rougeurs des yeux, enflure des lèvres, difficulté à parler ou avaler et voix rauque;
  • Voies respiratoires inférieures : Difficulté à respirer, toux, respiration sifflante, essoufflement, douleur ou serrement à la poitrine;
  • Système digestif : Nausées, douleurs ou crampes abdominales, vomissements et diarrhée.

Le système cardiovasculaire peut aussi être affecté (teint pâle ou bleuté, faible pouls, perte de conscience, étourdissements ou vertige, état de choc). On peut même ressentir de l’angoisse, un sentiment de « danger imminent » et des maux de tête ou encore avoir un goût métallique dans la bouche.

Des réactions de plus en plus fréquentes

À l’échelle mondiale, la prévalence des maladies allergiques a doublé au cours des 30 dernières années. Près de 40 % de la population des pays industrialisés est touchée par une forme ou une autre d’allergie.

En observant les changements sociaux et environnementaux, plusieurs experts et chercheurs ont avancé des hypothèses pouvant expliquer la progression des allergies.

L’hypothèse hygiéniste : nous sommes trop propres!

À la maison, au travail ou dans nos loisirs, nous vivons dans un environnement de plus en plus aseptisé. Des désinfectants puissants éliminent les éléments qui stimulent notre système immunitaire, ce qui réduit du coup sa capacité à combattre les allergènes qu’il rencontre.

Certains experts affirment que, pour jouir d’un système immunitaire fort et sain, nous devons être en contact, à un très jeune âge, avec les virus et bactéries qui lui permettent de se développer. C’est pourquoi les enfants qui ont quatre ou cinq rhumes par année risquent moins de souffrir d’allergies.

Les changements climatiques – un impact majeur sur la rhinite allergique

D’après le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS), l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) et les conditions climatiques qui en découlent, comme la hausse des températures et de l’humidité, agissent sur les plantes allergènes en entraînant les effets suivants :

  • Saison de croissance plus longue;
  • Propagation de certaines espèces vers de nouvelles zones;
  • Production accrue de pollen;
  • Augmentation du potentiel allergène du pollen.

À titre d’exemple, le MSSS déclare que la durée de la saison pollinique à Montréal a augmenté de 33 % entre 1994 et 2002, passant de 42 à 63 jours. De plus, les moyennes quotidiennes de concentrations polliniques, qui étaient de 36,3 grains de pollen par mètre cube en 1997, ont pratiquement doublé pour s’établir à 68,8 grains de pollen par mètre cube en 2002.

Les changements climatiques peuvent donc entraîner des effets sur la santé humaine en augmentant la fréquence et la gravité des épisodes d’allergies respiratoires (rhinite, conjonctivite et asthme).

Diagnostic de l’allergie

Le diagnostic d’une allergie doit être posé par l’allergologue, un professionnel de la santé spécialisé dans ce domaine. Bien que certaines allergies soient plus faciles à diagnostiquer, le très grand nombre d’agents potentiellement allergènes, notamment dans l’environnement et l’alimentation, la possibilité d’allergies croisées et de combinaisons d’allergies comme le syndrome pollen-aliment ou encore l’existence de véritables multi-allergies rendent certains diagnostics particulièrement complexes.

Tout diagnostic d’allergie repose donc avant tout sur une observation détaillée. Le type de symptômes et les circonstances de la réaction vont permettre au spécialiste de déterminer les tests appropriés : combinaison de tests cutanés et de dosages d’IgE sanguines. Le test cutané consiste à appliquer sur la peau du bras de petites quantités d’extraits de la substance allergène soupçonnée (extrait d’arachides, de lait, d’allergènes d’animaux, de pollen, etc.) afin d’étudier les réactions cutanées. Le dosage d’IgE sanguines consiste plutôt à mettre une goutte de sang en contact avec les mêmes extraits bruts des substances suspectes pour détecter la présence d’IgE spécifiques. 

Dans certains cas, le diagnostic définitif d’une allergie (ou de l’absence d’allergie) ne peut reposer que sur un test de provocation, qui consiste à administrer une préparation de l’allergène suspect par la bouche (allergie alimentaire) ou par inhalation (allergie respiratoire). Comme certains individus risquent de présenter des symptômes pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie, il va de soi que ces tests ne peuvent être réalisés que par du personnel expérimenté dans des cliniques bien équipées.

Allergènes moléculaires

Les spécialistes des allergies disposent depuis quelques années d’un outil supplémentaire pour établir le diagnostic et éventuellement traiter les allergies : les allergènes moléculaires, ou composants allergiques purs. Ainsi, dans le cas d’une allergie aux arachides, les tests cutanés ou sanguins sont réalisés depuis toujours avec des extraits bruts d’arachide contenant des dizaines, voire des centaines de composants potentiellement allergènes. Les recherches menées au cours des dernières années ont permis d’isoler, puis de fabriquer en laboratoire les composants les plus suspects de l’arachide que l’on nomme « rAra h1 », « rAra h2 », et ainsi de suite.

Il est donc maintenant possible de rechercher les IgE spécifiques qui réagissent à chacun de ces composants purs. On a ainsi constaté que la majorité des enfants allergiques aux arachides avaient dans leur sang des IgE anti-rAra h1, h2 ou h3 alors que, chez les enfants sensibles aux arachides mais non allergiques, on ne retrouvait pas ces IgE, mais plutôt d’autres types d’IgE comme les anti-rAra h8 (réaction croisée avec une protéine également présente dans le pollen de bouleau) ou les anti-rAra h9.

À lire aussi : Certaines personnes peuvent être allergiques à l’exercice sur le plan clinique

Traitement des allergies

La plupart des gens savent qu’on peut soulager les symptômes d’une allergie saisonnière en prenant des antihistaminiques ou des corticostéroïdes nasaux. On peut également apaiser les symptômes de l’asthme avec un bronchodilatateur et un corticostéroïde en pompe. Il existe également une méthode de désensibilisation sublinguale en comprimés pour traiter la rhinoconjonctivite causée par les acariens de la poussière, le pollen des graminées et l’herbe à poux.

Dans le cas des allergies alimentaires ou celles au venin d’insectes, l’importance de l’auto-injecteur d’épinéphrine (EpiPen) n’est plus à démontrer : il doit être utilisé rapidement, car il est le traitement de choix et il peut sauver des vies en cas d’anaphylaxie. Avec les années, d’autres médicaments se sont ajoutés à la trousse pour atténuer la gravité de la réaction allergique. Depuis peu, le dupilumab (Dupixent) et l’omalizumab (Xolair) permettent de traiter des cas plus graves d’eczéma, d’urticaire ou d’asthme. Ces médicaments très utiles, voire indispensables, ne guérissent cependant pas l’allergie. Dans le cas des allergies alimentaires, on peut évidemment éviter de consommer l’aliment, mais c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire!

Pour guérir une allergie, il faut rééduquer le système immunitaire pour qu’il cesse de considérer l’allergène comme une molécule ennemie dont il doit se débarrasser. Pour les allergènes présents dans l’environnement comme le pollen, les acariens et le venin d’insectes, cette désensibilisation se fait en injectant sous la peau des doses toujours croissantes de l’allergène. La désensibilisation se fait sur une période d’au moins trois ans (ou plus, surtout dans le cas du venin). Les allergènes moléculaires pourraient permettre de réduire la durée du traitement dans certains cas. Pour les allergies alimentaires, c’est la désensibilisation orale qui constitue le traitement le plus innovateur. S’inspirant du traitement sous-cutané, elle consiste à administrer, cette fois par la bouche, des doses croissantes de l’allergène.

Une première clinique québécoise d’immunothérapie orale a ouvert ses portes en 2018 au CHU Sainte-Justine de Montréal et connaît un succès retentissant… assorti d’une longue liste d’attente [3]. Devant cet enthousiasme, l’Hôpital de Montréal pour enfants a emboîté le pas en proposant lui aussi cette méthode novatrice, mais encore peu accessible.

Du côté de la prévention des allergies, une autre nouveauté gagne du terrain : au lieu de retarder l’introduction des aliments chez le nourrisson, on propose d’introduire les aliments potentiellement allergènes à un âge plus précoce, soit autour de 4 à 6 mois pour les arachides (pourvu que la texture de la préparation soit adéquate pour l’âge afin d’éviter tout risque d’étouffement)[4].

Conclusion

De l’introduction précoce des aliments allergènes à la désensibilisation sublinguale, en passant par la mise au point imminente d’un vaccin [2] et l’accessibilité croissante des allergènes moléculaires pour dépister et traiter les allergies, ce vaste domaine de la médecine est en évolution constante. Les percées de la recherche sont prometteuses et devraient permettre de diminuer rapidement les problèmes allergiques chez un grand nombre d’individus.

Ce texte a été rédigé avec la collaboration de :

Marie-Josée Francoeur, MD

Allergologue pédiatrique - Clinique des spécialistes Santé DIX30 / Chef du service d’allergie - CISSS Montérégie, Hôpital Charles LeMoyne

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Sources4
  1. N. Nicolaou et coll., « Allergy or tolerance in children sensitized to peanut: prevalence and differentiation using component-resolved diagnostics », Clinical Immunology [en ligne], vol. 125, no 1, janvier 2010, p. 191-197.e13, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20109746, consulté le 28 mai 2019.
  2. Binh An Vu Van, « Allergies : bientôt un vaccin? », Québec Science [en ligne], 21 juillet 2015, https://www.quebecscience.qc.ca/sante/allergies-bientot-un-vaccin/, consulté le 28 mai 2019.
  3. Philippe Mercure, « Allergies alimentaires : Affronter le mal au lieu de l’éviter », La Presse Plus [en ligne], 24 mars 2019, http://plus.lapresse.ca/screens/b6885937-f140-47ca-a546-8b11025b31e5__7C___0.html, consulté le 28 mai 2019.
  4. Benetta Chin et coll. « Exposition précoce aux aliments et allergies alimentaires chez les enfants », Le Médecin de famille canadien [en ligne], vol. 60, no 4, 1er avril 2014, p. e208-e210, https://www.cfp.ca/content/60/4/e208, consulté le 28 mai 2019.
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