Parole de spécialiste — 19 minutes
Femmes et sommeil : des changements tout au long de la vie
16 octobre 2024
Au cours d’une vie, l’expérience du sommeil d’une femme diffère de celle d’un homme de bien des façons. Les moments de grands changements hormonaux, tels que la grossesse et la ménopause, et certaines responsabilités familiales, qui sont souvent assumées par les femmes, peuvent compromettre la qualité du sommeil.
Comme c’est le cas pour de nombreux aspects de la santé du sommeil, les problèmes propres aux femmes sont souvent négligés ou ignorés, tant par les médecins que par les femmes qui pourraient en souffrir. Il est important que les femmes (et la communauté médicale) soient au fait des problèmes liés au sommeil qu’elles peuvent rencontrer au cours de leur vie.
En voici quelques-uns.
Menstruations
Le début de la puberté introduit certains éléments, comme les menstruations, qui peuvent augmenter la probabilité de troubles du sommeil. Par exemple, le risque d’insomnie augmente au moment des premières menstruations. Bien que la raison en soit encore mal définie, on pense qu’elle est liée aux fluctuations hormonales qui se produisent pendant le cycle menstruel [1].
Les effets négatifs des menstruations sur le sommeil semblent aussi être plus fréquents au cours des derniers jours du cycle de la femme, lorsque les niveaux de progestérone et d’œstrogènes diminuent [2].
Par ailleurs, les femmes ayant un cycle menstruel irrégulier ont un risque deux fois plus élevé d’avoir des problèmes de sommeil [1].
Les femmes qui souffrent du syndrome prémenstruel (SPM) ont tendance à présenter des symptômes qui nuisent au sommeil ou peuvent contribuer à l’insomnie, comme des crampes, des ballonnements et des maux de tête signalés par un tiers des femmes souffrant du SPM [3]. D’autres plaintes courantes liées au sommeil sont des réveils fréquents, des rêves ou cauchemars désagréables et des difficultés à s’endormir après avoir été réveillées [4].
On estime que les femmes qui souffrent du SPM sont au moins deux fois plus susceptibles de signaler un niveau préjudiciable d’insomnie et une somnolence diurne excessive [4].
Qu’ils soient associés au cycle menstruel ou au SPM, les troubles du sommeil et l’insomnie causés par les menstruations peuvent entraîner d’autres résultats indésirables, comme le stress, la léthargie, le manque de concentration et la fatigue pendant les heures d’éveil ainsi que la dépression. Des recherches ont d’ailleurs montré que l’apparition de l’insomnie à la puberté double le risque de dépression [3].
Grossesse
Pendant la grossesse, 30 % des femmes enceintes déclarent qu’elles ont rarement une bonne nuit de sommeil, comparativement à 15 % pour l’ensemble des femmes [2].
Les troubles du sommeil les plus courants sont l’anxiété, les maux de dos, les mouvements fœtaux, la sensibilité des seins, les crampes dans les jambes, les brûlures cardiaques et l’inconfort abdominal [2]. Les troubles du sommeil peuvent également être dus à une augmentation des mictions nocturnes ou au syndrome des jambes sans repos, qui serait lié à des modifications du métabolisme du fer et des folates pendant la gestation [5].
Le sommeil évolue pendant la grossesse. Bien que des changements puissent être observés au cours des deux premiers trimestres, la plupart des troubles du sommeil semblent plus fréquents au cours du troisième trimestre [3]. À cette étape, environ 21 % des femmes signalent que leur sommeil est suffisamment perturbé pour qu’un diagnostic d’insomnie soit posé [2].
Premier trimestre
- Le temps de sommeil augmente.
- L’efficacité du sommeil diminue.
- Le sommeil non paradoxal (stades 1 et 2) augmente.
- Le nombre de réveils après le début du sommeil augmente.
- La somnolence diurne augmente.
Deuxième trimestre
- Le sommeil s’améliore.
- La fatigue et la somnolence diurne diminuent.
Troisième trimestre
- Le temps de sommeil diminue.
- Le sommeil à mouvements oculaires rapides (REM) diminue.
- Les perturbations du sommeil augmentent, avec de 3 à 5 réveils par nuit.
- Les siestes quotidiennes augmentent.
- La vigilance diurne diminue.
- Les rêves sont davantage perturbés.
Ces troubles du sommeil ne sont pas seulement une gêne mineure. Un mauvais sommeil pendant la grossesse a été associé à un risque accru de diabète gestationnel, de retard de croissance intra-utérin et d’accouchement prématuré, ainsi qu’à un risque accru de dépression pendant la période post-partum [2, 6]. Au cours du troisième trimestre, un mauvais sommeil pourrait augmenter les risques de travail prolongé, de césarienne et de petite taille pour l’âge gestationnel [2].
Bien que l’on sache que les troubles du sommeil durant la grossesse peuvent être incommodants, voire graves, ils sont souvent passés sous silence. Selon une étude, moins de la moitié des femmes enceintes ont déclaré avoir été interrogées sur la qualité de leur sommeil par un professionnel de la santé [6].
Le traitement pharmacologique au moyen de sédatifs, de benzodiazépines et de certains médicaments contre l’insomnie peut être risqué, car il peut augmenter les risques de diminution du poids à la naissance, d’accouchement prématuré et de césarienne. Les traitements non médicamenteux, tels que la thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie (TCCI), le yoga, la méditation et l’exercice physique sont souvent des solutions privilégiées [2].
Parentalité
Les troubles du sommeil ne cessent pas après la naissance d’un bébé. Le sommeil d’un nouveau-né est très irrégulier, et il n’est pas rare qu’une nouvelle mère doive se réveiller pendant la nuit pour s’occuper de son enfant ou le nourrir.
Des études ont montré qu’au cours des six premiers mois après la naissance, lorsque le sommeil du nourrisson n’est pas encore régulier, les réveils après le début du sommeil augmentent et l’efficacité du sommeil diminue par rapport au sommeil du troisième trimestre de la grossesse [2].
Une mauvaise qualité de sommeil peut également avoir des répercussions sur la relation naissante entre la mère et le nourrisson. Les mères qui dorment mal peuvent trouver leur enfant plus anxieux et pleurnicheur. Il a d’ailleurs été démontré qu’une piètre qualité de sommeil permet de prédire que l’attachement entre la mère et l’enfant sera plus faible [2].
La parentalité peut continuer à être un obstacle à un sommeil sain lorsque l’enfant vieillit, surtout pour les femmes. En effet, on estime qu’elles assument près de deux fois plus de soins aux enfants que les hommes [7]. Ce qui comprend se réveiller la nuit pour s’occuper des membres de la famille.
Cette activité peut être très préjudiciable à la consolidation et à la qualité du sommeil. Si des siestes pendant la journée ou une période de sommeil prolongée pendant la nuit amélioreraient la situation, les mères ne sont pas toujours en mesure de le faire en raison de leurs responsabilités familiales et professionnelles.
L’augmentation du nombre de familles monoparentales est un autre facteur qui contribue à ce que les femmes se retrouvent avec des responsabilités plus importantes. Ainsi, on croit qu’un nombre considérable de femmes doivent répondre aux besoins financiers de leur famille par un travail rémunéré, tout en assumant la responsabilité du travail non rémunéré lié à l’éducation des enfants [7].
Ménopause
Les troubles du sommeil ont été identifiés comme un symptôme important de la ménopause [2]. Aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH) estiment que 42 % des femmes en préménopause, 47 % des femmes en périménopause et 60 % des femmes en postménopause en souffrent [8]. En outre, un sondage réalisé par la National Sleep Foundation a révélé que 25 % des femmes périménopausées et 30 % des femmes postménopausées déclarent ne profiter d’une bonne nuit de sommeil que quelques nuits par mois [2].
Une femme devient plus sujette à des troubles du sommeil à la ménopause en grande partie à cause des changements hormonaux qui se produisent pendant cette période. Mais, avec l’âge, le risque de développer des problèmes de santé (comme la dépression ou les troubles respiratoires du sommeil) qui contribuent à un mauvais sommeil est également plus élevé.
Les symptômes vasomoteurs, également connus sous le nom de « bouffées de chaleur », constituent l’un des principaux obstacles au sommeil pendant la ménopause. Bien que leur cause ne soit pas entièrement élucidée, il semble qu’ils soient associés à la chute des niveaux d’œstrogènes et à d’autres changements hormonaux.
La bouffée de chaleur typique, qui peut durer jusqu’à 30 minutes, se caractérise par une sensation de chaleur intense, une transpiration abondante et une accélération du rythme cardiaque. On estime qu’elles surviennent chez 60 à 80 % des femmes pendant la transition ménopausique et qu’elles persistent de 4 à 5 ans en moyenne [2].
Les bouffées de chaleur n’entraînent pas toujours une perturbation du sommeil, mais c’est souvent le cas : la fragmentation du sommeil, l’augmentation du nombre de réveils après le début du sommeil et une mauvaise efficacité du sommeil ont toutes été associées aux bouffées de chaleur lors de tests d’actigraphie et de polysomnographie [5].
À la fin de la ménopause, lorsque les bouffées de chaleur semblent être les plus fréquentes, des études ont montré qu’elles altèrent la qualité du sommeil de façon importante [9]. Les symptômes vasomoteurs peuvent également avoir des effets sur la santé mentale, car des liens ont été faits avec les symptômes de la dépression [6].
L’insomnie est un autre trouble du sommeil fréquent: jusqu’à 36 % des femmes préménopausées et 61 % des femmes postménopausées en souffrent [3]. Elle peut être associée à des changements hormonaux, à des modifications du sommeil liées à l’âge ou à l’incapacité à se rendormir après avoir subi une bouffée de chaleur. D’ailleurs, environ 80 % des femmes ménopausées éprouvant des bouffées de chaleur importantes peuvent souffrir d’insomnie [1].
La ménopause est également associée à un risque accru de souffrir d’apnée obstructive du sommeil (AOS). Des études ont montré que de 47 % à 67 % des femmes postménopausées étaient atteintes d’AOS [10]. Ce phénomène découle en partie du fait que les femmes ont tendance à prendre du poids après la ménopause et que l’excès de graisse au niveau du cou favorise l’obstruction des voies respiratoires, caractéristique de l’AOS.
D’autres troubles fréquents à la ménopause, comme le besoin accru d’uriner la nuit ou l’incontinence, les douleurs articulaires ou l’anxiété, peuvent dégrader la qualité du sommeil et avoir des répercussions sur la qualité de vie.
Des troubles à prendre au sérieux
Même si des études montrent que les femmes ont tendance à dormir plus longtemps que les hommes [7], on soupçonne que leur sommeil est moins réparateur, ce qui peut avoir des conséquences sur leur santé.
Des recherches ont montré que, par rapport aux hommes, les femmes souffrant de troubles du sommeil et d’un sommeil insuffisant présentent un risque plus élevé de dépression et de troubles métaboliques et cardiovasculaires [11].
Il est donc important que les femmes soient attentives à la qualité de leur sommeil. Si elles pensent qu’un mauvais sommeil perturbe leur vie quotidienne, elles doivent en parler à leur médecin. De leur côté, les membres de la communauté médicale doivent y accorder de l’importance, car un mauvais sommeil peut gravement affecter le bien-être, tant physique que mental, des femmes.
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Cette version actualisée de l’article représente une révision de l’article initialement publié sur notre site web. Nous avons pris en compte les évolutions récentes pour vous offrir de l’information à jour et pertinente.
Sources11
- Helena Hachul, Laura Siqueira Castro, Andréia Gomes Bezerra, Gabriel Natan Pires, Dalva Poyares, Monica Levy Andersen, Lia Rita Bittencourt, Sergio Tufik (2021). «Hot Flashes, Insomnia, and the Reproductive Stages: A Cross-Sectional Observation of Women from the EPISONO Study», Journal of Clinical Sleep Medicine, 17(11):2257-2267, https://jcsm.aasm.org/doi/10.5664/jcsm.9432
- Sara Nowakowski, Jessica Meers, Erin Heimbach (2013). «Sleep and Women’s Health», Sleep Medicine Research, 4(1):1-22, https://www.sleepmedres.org/journal/view.php?doi=10.17241/smr.2013.4.1.1
- Monica P. Mallampalli, Christine L. Carter (2014). «Exploring Sex and Gender Differences in Sleep Health: A Society for Women’s Health Research Report», Journal of Women’s Health, 23(7), https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/jwh.2014.4816
- Fiona C. Baker, Stephanie A. Sassoon, Tracey Kahan, Latha Palaniappan, Christian L. Nicholas, John Trinder, Ian M. Colrain (2012). «Perceived Poor Sleep Quality in the Absence of Polysomnographic Sleep Disturbance in Women with Severe Premenstrual Syndrome», Journal of Sleep Research, 21(5):535-545, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2869.2012.01007.x
- Martino F. Pengo, Christine H. Won, Ghada Bourjeily (2018). «Sleep in Women Across the Life Span», CHEST Journal, 154(1):196-206, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6045782/
- Lauren Tobias, Meir Kryger (2018). «Women’s Sleep Across the Reproductive Life Span», Journal of Clinical Sleep Medicine, 14(7):1095-1096, https://jcsm.aasm.org/doi/10.5664/jcsm.7200
- Sarah A. Burgard, Jennifer A. Ailshire (2013). «Gender and Time for Sleep Among U.S. Adults», American Sociological Review, 78(1):51-69, https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0003122412472048
- National Institutes of Health (2005). «State-of-the-Science Conference Statement: Management of Menopause-related Symptom», Annals of Internal Medicine, 142(12 Pt 1): 1003-1013, https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/0003-4819-142-12_part_1-200506210-00117
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- Shazia Jehan, Alina Masters-Isarilov, Idoko Salifu, Ferdinand Zizi, Girardin Jean-Louis, Seithikurippu R. Pandi-Perumal, Ravi Gupta, Amnon Brzezinski, Samy I. McFarlane (2015). «Sleep Disorders in Postmenopausal Women», Journal of Sleep Disorders & Therapy, 4(5):212, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4621258/
- Jessica A. Mong, Danielle M. Cusmano (2016). «Sex Differences in Sleep: Impact of Biological Sex and Sex Steroids», Philosophical Transactions of the Royal Society B, 371(1688):20150110, https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2015.0110