Parole de spécialiste — 14 minutes
L'énigme du syndrome de la fatigue chronique
15 mars 2022
Vous éprouvez une fatigue intense accompagnée de douleurs musculaires et articulaires depuis plus de six mois? Votre état vous empêche de remplir vos tâches quotidiennes ou vous cloue au lit au moindre effort? Vous souffrez peut-être d’encéphalomyélite myalgique (EM), aussi appelée « syndrome de fatigue chronique » (SFC). Toutefois, ce diagnostic est difficile à poser, car les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre et d’un jour à l’autre.
Épuisement temporaire ou fatigue chronique?
Il arrive à tout le monde de ressentir de la fatigue de temps à autre. Lorsque les causes sont connues, comme une surcharge de travail, un manque de sommeil, un effort physique important, une période intense en émotion ou une maladie, on parle d’asthénie. Elle s’estompe généralement avec le temps et le repos ou en traitant la maladie en cause.
L’asthénie devient anormale lorsqu’elle perdure malgré le sommeil et le repos. Mais il ne s’agit pas de fatigue chronique pour autant. Parce que les causes du SFC sont méconnues, la définition du syndrome varie d’un groupe d’experts à l’autre.
Selon le Consensus canadien sur l’EM/SFC de 2003 [1], le syndrome de fatigue chronique est une maladie grave et chronique qui affecte plusieurs systèmes du corps humain.
- Les individus ne sont pas capables d’exercer leurs activités quotidiennes et doivent souvent garder le lit.
- Une fatigue sévère peut suivre une activité physique et être accompagnée d’un sommeil non réparateur et de douleurs articulaires et musculaires.
- Selon le cas, les patients peuvent présenter des troubles neurologiques (cognitifs), autonomiques (étourdissements en changeant de position), neuroendocriniens (régulation de la température corporelle) et du système immunitaire (gonflement des ganglions).
Qui est le plus à risque?
Dans un sondage mené en 2017 par Statistique Canada, plus de 560 000 Canadiens rapportaient souffrir du syndrome de fatigue chronique, une augmentation de 37% par rapport à un sondage similaire mené 3 ans auparavant [2, 3]. Au Québec, environ 70 000 personnes en souffriraient. Le SFC frapperait surtout les individus d’âge moyen et toucherait deux fois plus de femmes que d’hommes [4].
Quelles sont les causes?
Les causes exactes du SFC ne sont pas connues, mais certains facteurs peuvent être associés à son apparition [4] :
- Les infections, causées notamment par le virus d’Epstein-Barr (EBV) et possiblement le SRAS-CoV-2 responsable de la COVID-19. Des infections causées par d’autres virus ou bactéries, comme celles responsables de la maladie de Lyme ou de la fièvre Q, sont également soupçonnées.
- Des désordres du système immunitaire. Bien que les individus souffrant du syndrome de fatigue chronique ne présentent pas de déficit immunitaire (fragilité aux infections), la régulation du système immunitaire des individus atteints diffère de celle des individus normaux.
- Des désordres endocriniens et métaboliques (état hypométabolique, anomalies dans la génération d’énergie par le métabolisme cellulaire, défaut de sécrétion du cortisol, hypotension, etc.).
- La dépression ne semble pas causer le syndrome de fatigue chronique, mais il est important de la traiter avant de pouvoir se concentrer sur le traitement de la fatigue chronique.
- Les problèmes de sommeil ou un sommeil non réparateur.
- Génétique. Des modifications à la séquence de gènes associés à des fonctions cérébrales, la réponse au stress ou aux émotions pourraient prédisposer certains individus à développer le syndrome de fatigue chronique.
Quels sont les symptômes?
Les symptômes rapportés par les patients peuvent fluctuer d’un individu à l’autre et d’une journée à l’autre. Ils comprennent notamment ce qui suit [5] :
- Fatigue pathologique : fatigue persistante et inexpliquée, qui oblige à réduire ses activités et que le repos ne soulage pas
- Fatigue ou malaise après un effort
- Troubles du sommeil et sommeil non réparateur
- Douleurs musculaires ou articulaires inexpliquées (myalgies)
- Troubles neurocognitifs (diminution de la mémoire, de la concentration, de la capacité à trouver ses mots, etc.)
- Troubles neurologiques ou cognitifs (confusion, manque de concentration, perte de mémoire, désorientation, etc.)
- Troubles du système nerveux autonome (hypotension orthostatique, étourdissements en changeant de position, palpitations, etc.)
- Troubles neuroendocriniens (température corporelle fluctuant au cours de la journée, problèmes d’appétit, etc.)
- Troubles du système immunitaire (sensibilité des ganglions du cou ou des aisselles, maux de gorge, nouvelles intolérances ou allergies, etc.)
Comment se fait le diagnostic?
En attendant un test diagnostique spécifique pour le syndrome de fatigue chronique, le diagnostic se fonde d’abord sur l’exclusion d’autres maladies ou l’absence de toute cause identifiable pour les symptômes rapportés par le patient. Des tests diagnostiques peuvent aider à éliminer certaines causes plus courantes de fatigue, dont les tests pour les troubles du sommeil ou des tests sanguins pour éliminer des anémies, des cancers ou encore des désordres endocriniens [5].
Pour porter un diagnostic de SFC, les patients doivent ressentir obligatoirement certains symptômes décrits dans la section précédente : une fatigue pathologique, un malaise après l’effort, des troubles du sommeil, de la douleur, deux symptômes neurocognitifs et au moins un symptôme dans deux des systèmes suivants : nerveux autonome, neuroendocrinien et immunitaire. De plus, les symptômes doivent être présents depuis plus de six mois [5].
Un test diagnostique prometteur a été proposé à l’automne 2020 par un groupe de chercheurs dirigé par le Dr Alain Moreau du CHU Sainte-Justine de Montréal [6]. Ce test sanguin, réalisé post-effort après une stimulation des muscles du bras pendant 90 minutes, révèle des variations typiques et reproductibles des micro-ARN dans le sang des individus atteints du SFC. Toutefois, cet outil en est encore au stade expérimental.
Y a-t-il un traitement?
Malheureusement, il n’existe actuellement aucun traitement qui permet de guérir le syndrome de fatigue chronique. Les traitements offerts visent donc à soulager les symptômes et à améliorer la qualité de vie. Certains individus rapportent une amélioration des symptômes avec le temps alors que ce sera le contraire pour beaucoup d’autres.
Comme la maladie se manifeste différemment chez chaque individu, le traitement doit être adapté à chacun et viser à soulager les symptômes les plus incapacitants [5,7]. On privilégie ainsi les médicaments pour traiter la douleur, les médicaments pour favoriser le sommeil et le maintien d’un certain niveau d’activité physique, si possible.
Plusieurs autres traitements ont été proposés, mais leur efficacité n’a pu être démontrée :
- Thérapie cognitive comportementale
- Médication avec des agents antibiotiques et antiviraux, stéroïdes, antihistaminiques
- Suppléments à base d’herbes et suppléments vitaminiques de toutes sortes
- Exclusions alimentaires
Apprendre à vivre avec le syndrome de fatigue chronique
Vivre avec le syndrome de fatigue chronique peut être frustrant lorsque les symptômes affectent la qualité de vie et ne peuvent être contrôlés par des traitements. Il est encore plus frustrant de constater que les professionnels de la santé ne reconnaissent pas le SFC en raison des difficultés diagnostiques. Certains groupes impliqués auprès des individus atteints du syndrome de fatigue chronique, comme l’Association québécoise de l’encéphalomyélite myalgique (AQEM), peuvent alors être d’une grande aide.
Pour du soutien professionnel, nous sommes là.
Nous offrons des services qui peuvent aider votre médecin à éliminer certaines causes plus courantes de fatigue chronique et à déterminer le traitement approprié.
- Formule sanguine complète
- Prise de sang à domicile
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- Services de soins du sommeil
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Sources7
- B. M. Carruthers et coll. (2003). « Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome: Clinical Working Case Definition, Diagnostic and Treatment Protocols. A Consensus Document », Journal of Chronic Fatigue Syndrome, 11(1):7-115.
- Bruce M. Carruthers et Marjorie I. van de Sande (2006). « Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome: A Clinical Case Definition and Guidelines for Medical Practitioners. An Overview of the Canadian Consensus Document », Carruthers & van de Sande, https://www.canada.ca/en/public-health/services/chronic-diseases/chronic-fatique-syndrome-myaligic-encephalomyelitis.html
- Instituts de recherche en santé du Canada, « Travailler avec les patients et leurs familles pour améliorer les résultats de santé des personnes atteintes d'EM/SFC », https://cihr-irsc.gc.ca/f/51074.html [consulté le 28 février 2022].
- Stephen J. Gluckman (2021). « Clinical features and diagnosis of myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome », UpToDate, https://www.uptodate.com/contents/clinical-features-and-diagnosis-of-myalgic-encephalomyelitis-chronic-fatigue-syndrome
- Fred Friedberg et coll. (2012). « Syndrome de fatigue chronique et encéphalomyélite myalgique. Petit guide pour la médecine clinique », International Association for Chronic Fatigue Syndrome/Myalgic Encephalomyelitis, https://aqem.org/wp-content/uploads/2014/06/Primer-IACFSME-en-fran%C3%A7ais.pdf
- E. Nepotchatykh, W. Elremaly, I. Caraus I. et coll. (2020). « Profile of Circulating MicroRNAs in Myalgic Encephalomyelitis and Their Relation to Symptom Severity, and Disease Pathophysiology », Nature Scientific Reports, 10(19620), https://www.nature.com/articles/s41598-020-76438-y.epdf
- Stephen J. Gluckman (2020). « Patient education: Myalgic encephalomyelitis/chronic fatigue syndrome (Beyond the Basics) », UpToDate, https://www.uptodate.com/contents/myalgic-encephalomyelitis-chronic-fatigue-syndrome-beyond-the-basics?topicRef=2742&source=see_link