Peut-on traiter un TDAH sans médicaments?
Tisane de camomille, mélatonine ou encore hypnothérapie, ce ne sont là que quelques exemples de médecine douce et de thérapies parallèles que de nombreux adultes et parents d’enfants ayant un TDAH utilisent comme traitement. Mais sont-elles efficaces? Et peuvent-elles remplacer les médicaments? Dans ce survol des principales approches non médicamenteuses, découvrez lesquelles ont obtenu les meilleurs résultats.
Dans un article publié en 2007 [1], David Jean et Claude Cyr du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) rapportaient que plus de la moitié des enfants fréquentant leur clinique externe de pédiatrie utilisaient un ou plusieurs types de médecine douce. Environ 25% d’entre eux le faisaient pour des problèmes psychologiques, dont le TDAH, et plus de 50% le faisaient à l’insu du médecin! La crainte des effets secondaires du méthylphénidate (Ritalin) ou des amphétamines utilisées pour traiter le TDAH est probablement à l’origine de cette situation [2].
Selon l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux du Québec (INESS), 6% des Québécois âgés entre 1 et 25 ans avaient reçu, entre 2014 et 2015, une prescription pour un médicament contre le TDAH, soit 2,7 fois plus que dans les autres provinces canadiennes [3]. Pour les groupes de 6 à 17 ans, les statistiques montrent que plus de 1 enfant sur 10 utiliseraient un médicament pour traiter un TDAH.
Ces données inquiètent plusieurs parents, et ils ne sont pas les seuls à s’alarmer. En 2019, 48 spécialistes en santé, dont 45 pédiatres, publiaient une lettre ouverte sur la surutilisation de médicaments pour traiter le TDAH aux dépens d’autres composantes essentielles du traitement comme les interventions psychosociales et le soutien aux parents et aux enseignants [4].
Quelles sont les causes du TDAH?
Les causes exactes du TDAH ne sont pas claires. Un débalancement d’origine génétique du métabolisme de neurotransmetteurs (catécholamines) semble jouer un rôle de premier plan, et les médicaments (méthylphénidate, amphétamines) tendent à rétablir cet équilibre. De nombreux facteurs environnementaux pourraient aussi contribuer à la manifestation des symptômes, mais la nature de leur contribution ne fait pas l’unanimité. Ce qui explique que peu de techniques parallèles visant ces facteurs environnementaux sont approuvées par les sociétés savantes [5-7].
Interventions non médicamenteuses
Il est clair que les traitements médicamenteux sont très utiles, du moins à court terme, dans le traitement du TDAH et qu’ils occupent une place incontournable dans les lignes directrices des grandes sociétés savantes comme CADDRA au Canada [5]. Cependant, tous s’entendent pour dire qu’aucun traitement médicamenteux ne peut assurer à lui seul de bons résultats à long terme. C’est pourquoi le traitement du TDAH chez les enfants, les adolescents et les adultes doit inclure des interventions non médicamenteuses, comme une bonne hygiène de vie et de sommeil et des interventions psychologiques [5-7]. Toutefois, d’autres types d’interventions sont également à l’étude:
Bien des parents ont déjà suspecté, à tort ou à raison, que certains aliments perturbaient le comportement de leurs enfants. D’autres pensent qu’une carence de vitamines ou d’autres nutriments pourrait conduire aux mêmes résultats. Il n’est donc pas surprenant que les modifications du régime alimentaire arrivent au premier rang des méthodes parallèles proposées pour diminuer les symptômes du TDAH, voire éliminer le recours aux médicaments [8].
Diètes d’élimination
Les bénéfices sur l’attention, l’hyperactivité ou le comportement de diètes comme le régime Feingold sans colorants artificiels ni salicylates [9] sont controversés [10]. Bien que les effets des additifs, des allergies et des intolérances alimentaires sur certains symptômes du TDAH soient documentés, ils sont limités dans la majorité des cas. Cependant, comme ils peuvent être importants chez certains enfants, certains préconisent de retirer certains composants de l’alimentation pendant quelques semaines pour voir si cela peut atténuer les symptômes du TDAH [7].
Diètes avec supplémentation: thérapie mégavitaminique et acides gras essentiels
Les études n’arrivent pas à démontrer si la thérapie mégavitaminique est réellement efficace pour contrôler certains comportements de l’enfant atteint du TDAH [11]. De plus, la consommation de mégadoses de vitamines n’est pas sans danger, entre autres pour le foie [12].
Certaines études ont également montré que le taux d’acides gras essentiels était moins élevé chez les enfants avec TDAH [13]. On s’attendrait donc à ce qu’une supplémentation en acides gras essentiels (oméga-3) apporte des améliorations. Malheureusement, cette hypothèse n’a été confirmée que dans un petit nombre de cas. Par contre, contrairement aux vitamines, il est peu probable qu’une supplémentation en acides gras essentiels présente des risques pour la santé [14].
Les tablettes de nos pharmacies regorgent de produits « naturels » de toutes sortes pouvant être utilisés pour les conditions les plus variées. La plupart de ces produits proviennent de plantes médicinales. Les produits de ce type ne sont pas soumis à des conditions aussi strictes de préparation que les médicaments « officiels ». Des doutes quant à la concentration exacte des composants actifs ou encore la présence d’autres composants non identifiés rendent très difficile la conduite d’études scientifiques rigoureuses sur leurs effets [15].
Plantes médicinales
Les troubles du sommeil sont fréquents chez les enfants atteints du TDAH. Plusieurs plantes médicinales comme la camomille, la mélisse, la valériane et la passiflore sont reconnues pour leur pouvoir de relaxation et de diminution de l’anxiété. Des tisanes de toutes sortes ont donc été utilisées avec un certain succès dans le contrôle de certains symptômes du TDAH [8].
Nootropes
Un nootrope est, par définition, une substance qui améliore le fonctionnement du cerveau. Selon cette définition, le méthylphénidate et les amphétamines peuvent être considérés comme des nootropes. On retrouve cependant plusieurs nootropes d’origine naturelle ou non pharmaceutique dont certains sont bien connus et largement utilisés comme la caféine, la nicotine et le Ginkgo biloba. Le déanol que l’on trouve dans le caviar de saumon, les mollusques, les crustacés et les huiles de poisson est le nootrope le plus testé chez des enfants atteints du TDAH. Dans l’ensemble, les résultats sont équivoques. Les premières études prometteuses [16] ont été très critiquées [8], et aucune étude plus récente n’a confirmé le rôle du déanol dans le traitement du TDAH.
Antioxydants
L’hypothèse d’un débalancement des agents oxydants et antioxydants comme facteur important dans le TDAH [17] ne fait pas consensus, et l’utilisation de produits pour corriger ce débalancement est tout aussi controversée.
Le Pycnogenol® est un extrait d’écorce de pin maritime français ayant une forte activité antioxydante. Comme c’est le cas pour beaucoup d’autres substances naturelles, des premiers cas isolés d’amélioration des symptômes ont été rapportés avec cet antioxydant [18, 19]. Il faudra définitivement plusieurs autres études de qualité pour que le rôle du Pycnogenol soit confirmé.
Mélatonine
La mélatonine, quant à elle, est bien connue pour ses effets bénéfiques sur le sommeil [20]. Dans des études de qualité, elle s’est avérée efficace, sécuritaire et économique. Même si des données sur sa sécurité à long terme ne sont pas disponibles, c’est une des rares approches parallèles approuvées par certains guides de pratique officiels comme celui du CADDRA [5].
Les approches non alimentaires proposées dans le traitement parallèle du TDAH sont étonnamment nombreuses. En voici une liste probablement incomplète [8] :
- Entraînement visuel et traitement oculovestibulaire
- Homéopathie
- Stimulation auditive
- Rétroaction biologique
- Hypnothérapie
- Yoga
- Méditation
- Outils de gestion de la routine
Dans cette liste, certains traitements comme la rétroaction biologique, l’hypnothérapie, le yoga et la méditation peuvent être intéressants, en particulier chez les adultes qui refusent de prendre des médicaments ou qui subissent trop d’effets secondaires. Des traitements comme l’entraînement visuel et la stimulation auditive sont encore mal étayés ou peu appuyés par des études scientifiques rigoureuses. C’est aussi le cas pour l’homéopathie.
Les parents d’enfants ayant un TDAH le savent bien, la routine est un élément primordial du quotidien, mais elle est parfois difficile à maintenir. Depuis quelques années, la « ludification », soit l’utilisation d’éléments de jeu dans des contenus d’apprentissage, fait ses preuves, notamment dans le domaine de l'éducation.
L’application québécoise Kairos, notamment, utilise ce concept pour aider les enfants à développer leur indépendance dans leur routine. Les tâches deviennent des missions qui font progresser l’avatar dans le jeu. L’efficacité de l’application a été validée auprès d’enfants neurotypiques et neuroatypiques de 216 familles [21].
Les thérapies parallèles: une bonne idée?
Dans certains cas, des approches non traditionnelles peuvent améliorer les symptômes du TDAH. Malheureusement, ces thérapies font l’objet de peu d’études de qualité, et leurs résultats sont souvent équivoques. Rien ne garantit qu’elles sont sécuritaires ou efficaces.
Il est donc important de faire preuve de prudence et de bien s’informer avant d’essayer une thérapie parallèle. Et il est toujours préférable d’en parler à son médecin pour éviter tout effet toxique ou toute interaction néfaste avec des médicaments.
En fait, les seules approches non médicamenteuses qui ont fait leurs preuves demeurent un régime alimentaire sain, un programme quotidien d’activité physique et de bonnes habitudes de sommeil. Rien d’étonnant à cela, puisque ce combo est déterminant pour la santé de tout individu!
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Sources21
- JEAN, D., et C. Cyr. «Use of complementary and alternative medicine in a general pediatric clinic», Pediatrics, vol. 120, no 1, juillet 2007, p. e138-e141.
- SWAMSON, J.M., et coll. «Young adult outcomes in the follow-up of the multimodal. treatment study of attention-deficit/hyperactivity disorder: symptom persistence, source discrepancy, and height suppression», J Child Psychol Psychiatry, vol. 58, no 6, juin 2017, p. 663-678.
- Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Prévalence de l’usage des médicaments spécifiques au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les canadiens de 25 ans et moins, portrait rédigé par Éric Tremblay et Jean-Marc Daigle, INESSS, 2017, 21 p.
- POULIN, P. C. «Médicaments et TDAH : sommes-nous allés trop loin» (lettre ouverte), Journal de Québec, 31 janvier 2019.
- CADDRA (Canadian ADHD Ressource Alliance). Lignes directrices canadiennes sur le TDAH, 4e édition, Toronto (Ontario), 2018.
- WOLRAICH, M. L., et coll. «Clinical Practice Guideline for the Diagnosis, Evaluation, and Treatment of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder in Children and Adolescents», Pediatrics, vol. 144, no 4, octobre 2019, p. 2019-2528.
- National Institute for Health and Care Excellence (NICE). «Attention deficit hyperactivity disorder: diagnosis and management NICE guideline [NG87]», mars 2018.
- Société canadienne de pédiatrie. «Le recours à la médecine parallèle dans le traitement des enfants atteints de trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité», Paediatr Child Health. vol. 7, no 10, décembre 2002, p.721-730.
- FEINGOLD, B.F. « Hyperkinesis and learning disabilities linked to artificial food flavors and colors», Am J Nurs, vol. 75, no 5, mai 1975, p. 797-803.
- NIGG, J. T., et coll. «Meta-Analysis of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder or Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Symptoms, Restriction Diet, and Synthetic Food Color Additives», J Am Acad Child Adolesc Psychiatry, vol. 51, no 1, janvier 2012, p. 86-97.
- HASLAM, R.H. «Is there a role for megavitamin therapy in the treatment of attention deficit hyperactivity disorder?», Adv Neurol, vol. 58, 1992, p. 303-310.
- Nutrition Committee, Canadian Paediatric Society, «Megavitamin and megamineral therapy in childhood», CMAJ, vol. 143, no 10, novembre 1990, p. 1009-1013.
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