La cirrhose : pas seulement liée à l’alcool!

Pesant environ 2 kilos, le foie est le deuxième plus gros organe du corps humain après la peau. Cependant, c’est l’importance des fonctions qu’il remplit qui en font un organe vital.

Entre autres, le foie [1] :

• filtre les substances provenant du tube digestif et dégrade celles potentiellement toxiques, comme l’alcool, pour finalement les éliminer dans la bile ou l’urine;
• stocke les nutriments provenant de l’alimentation, comme le fer et les vitamines;
• métabolise de nombreuses molécules présentes dans le sang. Le foie est également le foyer principal de la formation de glucose pendant les épisodes d’hypoglycémie ou encore d’urée suivant la dégradation des protéines;
• synthétise la plupart des protéines sanguines.

Le foie, ressemblant à une éponge très souple, est constitué de milliers de petits canaux appelés sinusoïdes. Ces canaux permettent les échanges entre le sang riche en nutriments et en toxines, provenant du tube digestif via la veine porte, et le sang oxygéné en provenance de l’artère hépatique. Le foie contient environ 10 % du volume sanguin total du corps humain, et la circulation sanguine y est intense : plus de 1,4 litre de sang qui y passe chaque minute.

Les parois du foie sont composées d’une seule couche de cellules, les hépatocytes, où se déroulent l’ensemble des fonctions du foie. Un système de veines et de canaux biliaires permet au sang de retourner dans la circulation générale, et l’évacuation de la bile dans l’intestin grêle [2].

Bien que le foie soit un organe de grande taille aux fonctions cruciales, les symptômes des maladies hépatiques ne deviennent souvent apparents que lorsque l'état de l’organe est gravement compromis.

Les principaux symptômes sont [3] :

• ictère (jaunisse) : jaunissement de la peau et du blanc des yeux
• gonflement abdominal et douleurs
• enflure des jambes et des hanches
• urines foncées et selles pâles
• fatigue constante, nausées et vomissements
• perte d’appétit
• formation de bleus sur la peau

Les infections virales chroniques, comme les hépatites B et C, les facteurs génétiques, tels que la maladie de Wilson, et l’abus d’alcool ont longtemps été considérés comme les principales causes des maladies hépatiques sévères. Au fil du temps, il est devenu évident que d’autres mauvaises habitudes de vie sont également responsables d’un nombre croissant de maladies hépatiques terminales comme la cirrhose.

Le foie est un organe très particulier : contrairement aux autres tissus, il peut se régénérer! Lorsqu’une partie du foie est retirée, il peut recréer le tissu manquant en quelques mois et retrouver sa forme originale. Cependant, ce processus de régénération s’accompagne de la formation de tissu conjonctif, ce qui réduit le nombre d’hépatocytes et diminue l’élasticité du foie. Avec les années, la régénération continue d’hépatocytes morts conduit à l’accumulation de tissu fibreux, un phénomène connu sous le nom de fibrose hépatique. La présence de graisses dans le foie est une cause importante de cette fibrose.

La stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) se caractérise par l’accumulation de graisse dans plus de 5 % du foie, tandis que la stéatohépatite non alcoolique (NASH) désigne cette condition lorsqu’elle est accompagnée d’une inflammation. Lorsque la fibrose devient si étendue que le foie ne contient plus suffisamment d’hépatocytes pour assurer ses nombreuses fonctions et que la circulation sanguine dans l'organe est compromise, on parle alors de cirrhose.

Des complications supplémentaires apparaissent lors de cirrhose [3] :

• hémorragies au niveau de l’œsophage (hémorragie digestive haute)
• accumulation de liquide dans la cavité abdominale (ascite)
• détérioration de la fonction cérébrale (encéphalopathie hépatique)
• risque accru de survenue d’un cancer du foie (hépatocarcinome)

Le seul traitement actuel de la cirrhose est la transplantation hépatique. C’est pourquoi la prévention est très importante, d’autant plus que la cirrhose peut se développer sans présenter de symptômes évidents. Les maladies hépatiques sont souvent découvertes lors de bilans de santé réguliers ou en cours d’investigation pour une autre maladie.

Le diagnostic et le suivi des maladies hépatiques reposent sur plusieurs techniques :

• La biopsie hépatique – qui consiste à passer une longue aiguille entre deux côtes pour prélever un petit échantillon de foie, qui sera analysé au microscope par un anatomo-pathologiste.
• L’imagerie – surtout l’échographie. Des examens par tomodensitométrie peuvent être utilisés pour visualiser les dommages causés aux structures adjacentes au foie.
• L’élastométrie (Fibroscan) – technique d’échographie qui permet d’évaluer la perte d’élasticité du tissu hépatique causée par la fibrose.

Le bilan hépatique sanguin comprend les analyses suivantes :

• ALT et AST
• bilirubine totale et directe
• PAL et GGT
• albumine

De nombreux autres tests peuvent être utilisés en fonction de la situation de la personne, tels que :

• la sérologie des hépatites B et C
• le dépistage du diabète de type 2
• le bilan lipidique
• les marqueurs de maladies auto-immunes du foie
• les marqueurs du cancer du foie (alpha-foetoprotéine)
• la formule sanguine complète et tests de coagulation
• les marqueurs de maladies génétiques du foie (ELF, céruloplasmine)

Le test ELF (Enhanced Liver Fibrosis) utilise un algorithme mathématique pour mesurer trois sous-produits du tissu fibreux hépatique, dont le procollagène. Bien que ce test soit encore peu accessible dans les laboratoires publics, il s’agit d’une méthode performante pour évaluer régulièrement la progression de la fibrose, évitant ainsi la nécessité de procéder à répétition à des biopsies. Ce test est recommandé depuis plusieurs années par les autorités de santé britanniques [4].

Le test FIB-4, ou “Fibrosis-4 index”, est une autre façon fréquemment utilisée pour dépister la fibrose hépatique. À partir des tests communs de laboratoire, un algorithme calcule un score qui évalue la présence de fibrose hépatique. Ce test peut être utilisée en amont d’autres tests plus complexes en cas de suspicion de dommages au foie.

La stéatose survient lorsque l’alimentation contient un excès de gras (cholestérol et triglycérides) et de sucre (glucose et autres sucres), ou lorsque l’organisme a de la difficulté à les métaboliser, comme dans les cas d’obésité, de diabète de type 2, de syndrome métabolique, ou de taux élevé de cholestérol et de triglycérides élevés.

Avec l’augmentation de l’obésité dans les sociétés occidentales et, par conséquent, du nombre de cas de diabète de type 2, on observe une hausse significative des cas de stéatose hépatique non alcoolique, qui peuvent évoluer vers la cirrhose.

Autrefois peu connue, la stéatose hépatique non alcoolique touche désormais près d’un quart de la population canadienne et pourrait devenir la principale cause de transplantations du foie dans les années à venir. Selon la Dre Giada Sebastiani, hépatologue au Centre de santé McGill (CUSM), un véritable tsunami de cas de cirrhose sera observé. La coupable? Une mauvaise alimentation, trop grasse et trop sucrée, ayant des répercussions fatales sur le foie [5]!

Le changement de son mode de vie demeure le traitement le plus efficace pour la stéatose hépatique, aucun traitement médicamenteux n’étant approuvé au Canada actuellement.

Les recommandations pour préserver la santé du foie rejoignent celles pour prévenir l’obésité, réduire le risque de maladie cardiovasculaire et diminuer le risque de certains cancers. Une alimentation équilibrée et de l’exercice physique régulière sont vitales.

• Buvez de l’eau plutôt que des boissons sucrées.
• Optez pour des aliments entiers, tels que des fruits et des légumes frais ainsi que des grains entiers, tout en limitant les aliments ultra-transformés.
• Mangez des fruits et des légumes comme collation.
• Privilégiez du yogourt nature et ajoutez-y des baies.
• Tartinez du pain à grains entiers avec du fromage, de l’avocat ou des beurres de noix.

Le Centre hospitalier universitaire de Québec recommande de bouger pour au moins de 150 à 200 minutes par semaine. Il est conseillé de faire de l’activité aérobique d’intensité modérée, comme la marche rapide, le vélo ou la randonnée, réparti en 3 à 5 sessions hebdomadaires. Une activité plus intense, comme l’entraînement en résistance, protège davantage contre le syndrome métabolique et le NAFLD [7].

La stéatose hépatique n’est pas une maladie réservée aux adultes. De plus en plus d’enfants en souffrent, en grande partie en raison de l’augmentation alarmante de l’obésité infantile et d’un très faible niveau d’activité physique [8].

• La stéatose hépatique touche près de 3 % des enfants et de 22 à 53 % des enfants obèses.
• La stéatose hépatique peut être observée dès l’âge de deux ans.

La stéatose hépatique non alcoolique évolue vers la cirrhose et en cancer du foie en 20 à 30 ans [5], ce qui signifie que de plus en plus de jeunes adultes pourraient nécessiter une greffe du foie. Cependant, la maladie est réversible si elle est prise en charge à un stade précoce. Il faut donc rester vigilant et adopter un mode de vie sain!